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Introduction aux troubles du sommeil
vendredi 9 novembre 2018, par
Aristote dans le traité du sommeil et de la veille [1] rattache le sommeil à des états propres au règne animal durant lesquels l’exercice de la sensibilité (entendue comme la capacité de réagir à un évènement extérieur) est aboli durant le sommeil et restauré durant l’éveil.
Cette spécificité liée au monde animal est remise en question par Linné dans son traité somnus plantarum [2]. Celui-ci démontre l’existence d’un comportement différent des plantes selon le moment de la journée. Il est aussi rapporté le fait que certaines plantes comme l’acacia adoptent, après avoir été rudement secouées un comportement similaire à celui du sommeil.
Outre l’aspect comportemental du sommeil, des fonctions y ont dès l’antiquité été associées à la fois en ce qui concerne la récupération physique ou la préparation psychique en rapport avec le rêve ou les songes.
Jusqu’à l’apparition de la « fée électricité » le sommeil humain est décrit comme présentant une organisation biphasique caractérisée par une période de sommeil profond s’installant à la nuit tombante suivie d’une période d’éveil (la dorveille) et d’un deuxième épisode de sommeil jusqu’au lever du matin[3]. Depuis, le temps consacré au sommeil s’en est trouvé réduit ce qui a induit un passage d’un mode biphasique vers un mode mono-phasique.
Le papyrus d’Ebers [4] fait apparaître l’usage du pavot comme moyen d’induire le sommeil et de traiter la douleur dans la pharmacopée Egyptienne. XXX siècles plus tard Ambroise Paré [5] décrit les liens cliniques entre sommeil, facteurs environnementaux et pathologies liées au sommeil.
En 1974 une première classification des troubles du sommeil apparaît dans le DSMIII [6] (Axe1, 13ème catégorie) et fait apparaître la notion de dyssomnie (perturbations dans la durée, la qualité, la profondeur, le moment du sommeil) et de parasomnies (troubles apparaissant à l’occasion du sommeil sans le perturber : somniloquie, cauchemars,…). La première version de la classification internationale des troubles du sommeil (ICSD) [7] publiée en 1997 reprend les concepts de dyssomnie et parasomnie en les complètant. Apparaissent les notions de troubles intrinsèques, extrinsèques et des rythmes circadiens, y sont associés les troubles en lien avec des pathologies psychiatriques. La seconde édition publiée en 2005 complète la classification en y intégrant les troubles identifiés dans la Classification Internationale des Maladies [8].
La 3ème édition de l’ICSD différencie principalement les troubles associés au sommeil lent et au sommeil paradoxal et affine les troubles moteurs du sommeil.
L’importance prise par le développement de la clinique en rapport avec les troubles respiratoires et moteurs du sommeil a complètement occulté la prise en compte de l’architecture du sommeil. Une rapide recherche sur pubmed fait apparaître 41 561 références sur le sujet des apnées du sommeil, 4 297 sur celui des activités motrices du sommeil (RLS, PLMS) et 2584 sur l’architecture du sommeil.
Historiquement, au début des années 1900 Pierron [9] avait mis en évidence chez le chien l’existence d’une substance hypnogène, capable d’induire le sommeil, présente dans le liquide cérébro-spinal. En 1958, est découverte la Mélatonine neuro-hormone dont le rôle sur le sommeil n’a été bien étudié que dans les années 1970. Par la suite les travaux comme ceux de C. Gronfier [10] et de K. Gamble [11] établissent des liens étroits entre sommeil et grandes régulations hormonales.
L’exercice en routine clinique des enregistrements polysomnographiques permet d’identifier des particularités de l’architecture du sommeil portant principalement sur la stabilité, la répartition et la durée des cycles de sommeil. Le sommeil normal comporte habituellement quatre ou cinq cycles d’une durée de l’ordre de 90mn avec une proportion de sommeil lent plus importante en début de nuit et de sommeil paradoxal en fin de nuit. La pratique rend possible d’identifier des typologies caractérisées par un sommeil « en un cycle », des cycles de faible durée ou encore des cycles ayant une répartition constante de sommeil lent/sommeil paradoxal. Il est aussi identifié des troubles majeurs de l’architecture caractérisés par une fragmentation rendant particulièrement difficile l’identification des stades de sommeil.
La plainte relative aux troubles du sommeil qui touche plus de 20% de la population est à considérer essentiellement comme un symptôme nécessitant une approche clinique systématique visant à différencier les causes et conséquences. Causes environnementales ou causes en rapport direct avec les structures en charge de l’établissement ou du maintien du sommeil ou encore secondaires à l’expression de pathologies organiques. Il apparaît plus que jamais nécessaire de développer la séméiologie et d’établir les relations pouvant exister entre troubles objectifs du sommeil et d’autres pathologies en lien avec l’organisation temporelle des grandes fonctions de notre organisme.
[1] Aristote opuscules, traduction de Barthélémy Saint Hilaire, Ed Dumont 1847
[2] Linné, Somnus Plantarum 1755
[3] Claustrat, Médecine du sommeil (2014) 11, 68-73
[4 Lalanne et Métra, Le texte médical du Papyrus Ebers. Transcription hiéroglyphique, (ISBN 978-2-87457-092-6)
[5] Paré, traité de chirurgie, Du dormir & veiller. CHAP. XIX. 11 mai 1597
[6] DSM-III
[7] ICSD 1/2/3
[8] ICD-9 / ICD-10
[9] Pierron 1913
[10] Gronfier & al Neuroendocrine processes underlying ultradian sleep regulation in man., J Clin Endocrinol Metab. 1999 Aug ;84(8):2686-90.
[11] Gamble & al, Circadian Clock Control of Endocrine Factors, Nat Rev Endocrinol. 2014 Aug ; 10(8) : 466–475.